Xx It was suppose to be a beautiful day xX [M'en parler par mp avant]

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Cela devait être une belle journée. Les enfants auraient dû être en pleins jeux dans le parc, les abeilles à leur corvée dans les champs, les femmes en jupe courte dans les rues et les pigeons sur les toits à se dorer les plumes. Toutes les météos s’étaient mises d’accord, le soleil se devait d’être au rendez-vous durant ce jour d’avril, au début du printemps. Ils avaient même pris les devants en affirmant que cela durerait toute la semaine. Ils l’ont annoncé à la radio, à la télévision et bien évidement tout les pauvres gens pendus aux lèvres de leur téléviseur ou de leur transistor ont cru à ces spéculations, ou on feint le croire. Alors les pères de familles ont sortis joyeusement les tables en plastique du garage, les femmes se sont misent à la fenêtre pour cuisiner, les petites filles ont sorti leurs dinettes invitant les peluches, les poupées et même les chats de la maison, les garçons, eux, avaient quittés leurs jeux vidéos pour s’ébattre avec leurs camarades dans les terrains vagues. Cela était supposé être une belle journée. Mais encore une fois l’homme prouva qu’il ne pouvait pas plus prédire le temps que son avenir. Une pluie aussi violente que soudaine afflua dès les premières lueurs de l’aube jusqu'à la disparition complète des derniers rayons de soleil. Aucun répit de la part des gouttelettes qui s’abattaient telle des bombes sur les vitres des immeubles déformant ainsi les visages dépités des pauvres familles désillusionnées par l’honteuse escroquerie de dame météo. L’eau envahissait toute parcelle de terre roussâtre propre à cette région la convertissant en boue infâme et gluante. Les villes n’étaient pas épargnées. Ainsi de véritables torrents inondaient les cassis et les caniveaux déferlants dans un vacarme assourdissant récupérant tout sur leur passage. Il eut néanmoins une petite chute de la fréquence d’affluence des trombes d’eau et certains pensèrent qu’enfin tout ceci allait s’achever. En vain. Ce n’était en fait qu’une accalmie, présageant pire encore pour la suite. Les oiseaux se cachaient sous les pans de toit à l’abri de l’irascible tempête, se serrant les uns contre les autres afin de préserver un minimum de chaleur. Quelques sots couraient encore dans les flaques d’eau cherchant à rentrer chez eux.

Ce tumulte se réverbérait aux oreilles de Mulciber et lui crevait les tympans. Sa sensibilité auditive due à sa cécité rendait le moindre son démesurément affreux tout en l’accablant promptement. Il était, comme à l’ordinaire, allongé dans sa cage, son crâne reposant sur les barreaux froids. Il n’y avait plus beaucoup de Nekos à cette période de l’année et le vendeur l’avait donc placé près de la vitrine pensant que la lumière et l’air frais lui rendrait peut-être un peu le sourire. Ce fut superflu bien évidemment. Son état ne se détériora ni ne s’aggrava pour autant. Aujourd’hui était un jour spécial pour lui. Pas à cause de la pluie battante, ni du traitement de faveur, ni de son déménagement imminent, mais c’était le jour où vingt années auparavant il sorti de son petit tube à essai. Le jour de son anniversaire. Autrefois il comptait le nombre de jours restant avant sa fête trépignant d’impatience car c’était son jour. Il avait le droit à toutes les folies ce jour-là et même s’il faisait une bêtise, on l’excusait en l’entendant dire « c’est mon anniversaire aujourd’hui ! »… Maintenant il n’y avait plus personne pour l’excuser s’il faisait des bêtises, personne pour le couvrir de baisers, personne pour s’occuper de lui… Il expira un long souffle emplis de mélancolie espérant se vider un peu de la tristesse qui l’envahissait. Un babil de langues et un cliquetis de clés vint le tirer de cette torpeur nostalgique. Le propriétaire de la boutique avait eu vent de ce glorieux jour et venait lui apporter une petite surprise… Une vague odeur chocolatée et de crème fouettée arriva aux narines du Neko, le faisant saliver puisqu’il n’avait rien avalé depuis la veille.

« C’est une part de gâteau au chocolat, pour ton anniversaire Mulci »

Précisa inutilement l’homme. Il avait une voix grave, un ton affable et sans doute son visage devait en dire autant. Son odeur n’était pas désagréable, malgré le parfum avec lequel il s’aspergeait tout les matins, on sentait toujours une vague odeur de sueur et de frites trahissant son état de vie. Mulciber avait le pouvoir d’entrevoir ce genre de choses juste grâce à deux de ses sens surdéveloppés. Mais cela bien souvent, ne l’intéressait pas. Il préférait se poser dans un coin et repenser au passé, à quand un miracle surviendrait ou mieux, si un jour la mort daignerait sonner à sa porte. Néanmoins, on peut dire qu’il appréciait la compagnie de cet homme d’un âge certain. Bientôt il le quitterait donc tout cela n’avait plus d’importance. Il entendit que le vendeur déposa l’assiette, de carton d’après le bruit et l’odeur, près de l’entrée. Il n’avait pas peur de laisser la porte ouverte ou entrebâillée. De toute manière, où est-ce qu’un Neko aveugle pourrait-il bien se cacher. Tant bien même il aurait la possibilité de le faire qu’il ne le ferrait pas. L’autre lui mit une cuillère entre les doigts et l’incita à prendre une part. Mulciber ne se fit pas prier et, en tâtonnant un peu, il réussi à bien localiser le gâteau et plongea la cuillère en pleins dedans. Après qu’il eut englouti quelques bouchées de la friandise, l’homme qui était étrangement resté silencieux accroupi sur le devant de la geôle rompit les bruits de mastication.

« Tu n’es pas sans savoir que bientôt on va te vendre à une autre animalerie. »
« Je sais… »
« Bon je ne devrais pas m’inquiéter après tout. Ce n’est pas ton premier voyage, hein ? »
« … »
« … »
« Je suis obligé tu sais ? »
« Je sais… »
« Ce n’est pas de ma faute nous sommes bientôt sur la paille. Tes frais médicaux n’arrêtent pas de grimper… Heureusement que je t’apprécie autant, ça me fait mal au cœur de te voir partir, mais bon après tout c’est peut-être mieux comme ça. Je leur dirais de te mettre près de la fenêtre, je sais que tu préfère et puis… »

Mulciber n’écoutait déjà plus les dires irréalisables du vendeur et se concentrait sur le gâteau. Il savait parfaitement que lui était unique en son genre et comme les trente dernières animaleries, il sera mis à l’écart, au fond de la salle. Mais il n’en avait que faire, pour le moment il tentait d’attraper le dernier bout de chocolat perdu quelque part sur l’assiette. Il le sentait, l’insaisissable, mais n’arrivait pas à le trouver. Finalement il le heurta avec le dos de la cuillère le faisant voler hors de la cage.

« Hop là, fais attention ! » Il entendit l’homme ramasser quelque chose et lui prendre sa cuillère des mains.
« Attend, je te le donne, ouvre la bouche. »
« Je n’ai plus faim. »

L’autre ne bougeait pas, ne comprenant pas pourquoi il y avait à peine dix secondes il voulait tant ce morceau de chocolat et que maintenant il affirmait ne plus avoir faim.

« Merci… Je n’ai plus faim. »

Il sentit que le vendeur ramassait en silence l’assiette puis refermait délicatement la porte de la froide prison. Lorsque celle-ci fut verrouillée, Mulciber y posa son front, laissant quelques mèches de cheveux noirs dépasser d’entre les barreaux.

« Ah oui au fait, bon anniversaire Mulciber »

fit l’homme avant de s’éloigner vers l’arrière boutique.

La pluie continuait de tambouriner contre les vitres et le Neko sentait qu’un gros orage approchait. La morsure du métal froid lui rentrait telle une aiguille au milieu de son crâne mais rien n’était plus relaxant qu’une approche aussi tangible avec le baiser de la mort...
Cela devait être une belle journée.

Invité

Dust faisait partis des gens pour qui l'espoir s'entretenait même au delà de la réalité. Comme tout le monde il avait espéré le soleil tout en sachant que la météo ne serait jamais qu'une vague source d'estimation. Espérer contre toute espérance était bien un des traits de caractère qui définissaient bien l'optimisme général du jeune homme.
Et même quant il s'était mis à pleuvoir à torrent il ne s'était pas laissé abattre une seule seconde. Ayant prévus de sortir se promener il n'avait fait qu'ajouter un parapluie pour réaliser la ballade prévue la veille.

Dehors le temps était vraiment au déluge, et Dust ne cessait de croiser des gens pressés d'aller à l'abri. Pour sa part, sous son parapluie et ses bas de pantalons déjà trempés il ne voyait pas de raisons de se dépêcher... il trouvait même plaisant de marcher dans la ville désertée de tout piétons et à la circulation presque inexistante. L'eau qui débordait des caniveaux semblait avoir rincé la ville de toutes présences humaines pour ne laisser que l'élément liquide... une sorte d'immense nettoyage orchestré par Mère Nature pour laver la vie des Humains et tout leurs déchets.
Rêvassant sur ces pensées, Dust finit par arriver non loin d'une animalerie dont la vitrine retint sa curiosité. De l'autre coté de la rue la vitrine laissait voir une scène entre un néko en cage et un homme, peut-être le vendeur de la boutique. Il semblait aussi y avoir un gâteau... peut-être un anniversaire, à moins que ce néko ne soit abusivement chouchouté ?

Voulant satisfaire sa curiosité, le jeune homme traversa la rue et poussa la porte de la boutique, faisant tinter la clochette signalant les nouveaux visiteurs tout en refermant son parapluie dégoulinant d'eau. Rapidement une flaque se forma par terre, là où il se trouvait, avant qu'il ne laisse son parapluie dans un vase décoratif prévus à cet effet.

-Bonjour à vous, je... viens par curiosité.

Faisant signe au vendeur qu'il pourrait se passer de lui pour l'instant Dust alla vers la cage de Mulciber, remarquant enfin le bandeau qui cachait les yeux du néko.
Etrange, ce néko serait-il donc aveugle ?

-Heum... heu bonjour toi... je... Excuse-moi de ma curiosité mais, tu es non-voyant ?

La question pouvait sembler un peu abrupte, surtout posée de la sorte de la part d'un inconnu. Ne voulant pas se montrer grossier en parlant d'une cécité sans doutes handicapante, Dust se mit à genoux devant la cage pour être plus à la hauteur du néko allongé et s'adressa à nouveau à lui, d'une voix qui se voulait plus douce encore qu'avant.

-Au fait je m'appelle Dust, Abbachio Dust... Et toi quel est ton nom ?

Invité

Musique d'ambiance à écouter durant la lecture =3

La pluie, la pluie, toujours la pluie… Aucun répit pour la vitre, aucun répit pour le béton, aucun répit pour les vagabonds, aucun répit pour les oreilles du Neko. Le tumulte frénétique des assauts tournés vers les carreaux de verre rendaient le prosaïsme habituel encore plus désagréable qu’à l’ordinaire. Une lumière étrange s’abattait sur la ville rendant les immeubles d’un blanc immaculé contrastant étrangement avec la grisaille du ciel. Les cordes d’eau reliaient les deux éléments contraires, l’un soutenant constamment l’autre, le ciel porté sur les épaules de la terre, la pluie représentent alors les puissant cordages maintenant ce parfait équilibre. Mais cela évidement, Mulciber ne pouvait le voir, juste l’imaginer. Des enfants courraient encore dans les rues malgré le temps, évitant de peu les flaques boueuses remplis de déchets accumulés là par le ruissèlement des eaux dans les caniveaux. Certains tentaient de pousser leurs camarades dans les marres improvisées, risquant à leur tour de tomber dedans. Des rires, des cris, tous ces sons parvenaient aux oreilles touffues du Neko qui les analysaient un par un d’un air détaché et sans véritable conviction.

Le métal froid au contact de sa peau ne lui faisait plus aucun effet désormais, mais avec ce temps, il sentait un froid de glace qui lui montait des pieds jusqu’au cœur. Son cœur meurtri et confiné derrière ses yeux d’un vide sidéral, ses yeux d’un blanc laiteux. Parfois il avait même envie de se les arracher. Après tout, ils ne lui servaient aucunement dorénavant mais leur présence le faisait souffrir, comme un poids sur la conscience, une preuve, un souvenir qu’avant, vous étiez libre, vous étiez heureux. Son état s’était un peu amélioré durant ses derniers mois, le vendeur ayant pris soin de lui, faisant sa toilette régulièrement et l’habillant convenablement. Il lui avait dit l’avoir affublé d’un corset noir lacé qui lui allait à merveille. Il sentait les empreintes des fils contre sa peau du dos, ils lui serraient fort la taille lui donnant l’air plus maigre qu’a l’accoutumé. Quelques mèches dépassaient des barreaux de fer contre lequel son front était appuyé. Sa posture à demi allongée lui donnait un air encore plus pathétique et sans doute certains Nekos devaient le prendre pour mort. Mais cela il n’en avait que faire, les avis d’autres de ses semblables ne l’intéressait pas, leurs vies insignifiantes ne le touchait pas… En réalité avec cette cécité, il était devenu plus acariâtre que dans sa jeunesse. Rien de plus normal car eux pouvait le voir, le sentir et le toucher, alors que lui ne pouvait réaliser que deux de ces trois actions. L’envie durcit les cœurs les plus tendres…

Un tintement. Un tintement au milieu du tapage de la pluie, une clochette qui retentit faisant partir les vagues à l’âme des Nekos de l’animalerie. Il aurait pu passer inaperçu si un être à l’ouïe exceptionnelle ne s’était pas trouvé dans la pièce. La porte s’était ouverte en un grincement sourd, une giclée d’eau réussie à couler sur le sol en une flaque informe, fière de son incursion au sein d’un environnement jusqu'à lors sec. Un vent froid et humide vint fouetter le visage de Mulciber et fit chuter la température ambiante de quelques dixièmes de degrés. Les oreilles du Neko pivotèrent nonchalamment sans grande conviction en direction de la porte d’entrée. Sa tête, elle, ne se délogea pas de son encastrement parmi les barreaux de la cage. Un client de plus sans doute, rien de plus. Ou alors quelqu’un venu se réfugier en attendant la fin de l’averse ? Il n’avait pas à s’y intéresser de toute façon, il avait plus important à faire…

Les bruits de pas résonnèrent dans la salle. Il ne s’aventura pas loin car au bout de deux ou trois mètres il s’ébroua un peu, dispersant encore des gouttelettes autours de lui. Une des gouttes vint percuter de plein fouet le front du Neko, ce qui le fit froncer les sourcils. Il huma l’odeur de la personne fraichement entrée afin de déterminer à qui avait-il à faire. Une odeur plutôt vague confuse en raison de l’eau qui suintait sur sa peau. Une évasive odeur de sueur lui vint aux narines, assez forte pour apporter la preuve que le nouveau venu était en fait un homme. Mais ces effluves n’avaient rien d’excessives, il pouvait peut-être se tromper….Un bruit métallique additionné à celui d’un tissu froissé lui indiqua qu’il venait de poser son parapluie dans le vase adéquate.

C’est alors que le vendeur allait entrer en jeu en lui demandant de son air boutiquier s’il souhaiter quelque chose de particulier… Cependant l’autre le prit de court, validant ainsi l’ancienne théorie concernant le sexe du nouveau venu. C’en était bien un, malgré que sa voix n’avait rien de bien virile. Son ton laissait paraitre qu’il n’était pas très entreprenant. On aurait dit qu’il n’avait pas de temps à perdre avec des conversations inutiles, mais pourtant il s’était rendu en ce lieu, sachant pertinemment qu’un vendeur lui demanderait s’il souhaitait qu’on le guide pour faire son choix. On pourrait s’imaginer qu’il n’apprécie pas la compagnie des autres, que peut-être le simple fait qu’un être vivant vienne l’interrompre et perturber son espace vital lui soit une claire offense.
Mulciber sentait qu’il allait trop loin dans ses spéculations et cela lui faisait mal au crâne. Il n’avait pas envie de s’enliser dans les méandres de l’interprétation purement fictive qui ne repose que sur une unique réponse, un unique « Je viens par curiosité ». Il l’entendit se déplacer. Ses pas n’avait rien de pesant, il ne devait pas être bien gros…

Le Neko à demi passionné, avait toujours l’oreille tournée vers lui, à l’affût du moindre son. Ce n’était pas qu’il s’était pris d’engouement pour cet homme mais il voulait meubler sa journée. Il en avait assez de se morfondre dans l’abime de la dépression et s’occupait comme il le pouvait. Néanmoins, il ne souhaitait pas être pris en flagrant délit, auquel cas le vendeur viendrait alors se féliciter devant lui qu’enfin son plan utopique ayant pour but de le sortir de sa léthargie en le plaçant près de la vitrine ait fonctionné.

Etrangement, les pas se dirigèrent vers lui. Mulciber soupira légèrement. Serait-ce possible qu’il soit envoyé par l’autre animalerie afin de déterminer la qualité de la marchandise ? Si c’était ça, s’en était fini pour la vente, il ne serait pas acheté. Finalement l’homme s’arrêta près de sa cage et demanda d’une voix tintée de gêne s’il était réellement aveugle.
C’était donc ça la venue dans le magasin. Après tout c’était compréhensible, il l’avait aperçu depuis la rue, l’avait observé allongé contre les barreaux de sa geôle et enfin avait du voir le bandeau qu’il portait sur ses yeux. Il n’était pas pressé de répondre à cette personne qui devait sans doute être collectionneur ou même voyeur et dont le profit ne se trouvait qu’au niveau de son handicap. Un chat aveugle, ca ne se trouvait sans doute pas à tous les coins de rues. Il n’esquissa même pas un mouvement alors qu’il perçu d’après le craquement de genoux que l’homme s’était accroupi. Lorsqu’il reprit la parole, sa voix résonna sur les parois métalliques, faisant vibrer ses oreilles touffues. Sa voix se voulait néanmoins plus affable que précédemment et également plus spontanée. Il lui donna son nom et en échange quémanda le sien. Quelle importance un nom ? En plus cela devait se trouver sur sa fiche d’identité juste au dessus ou au dessous du verrou de la cage…
Mais quelque chose le poussa à lui répondre malgré tout… Une envie de passer le temps ? Peut-être… En tout cas, il ne lui fit pas le plaisir de relever le crâne, restant lamentablement couché sur le sol.

« Je m’appelle Mulciber Lovecraft… »

C’était amplement suffisant. Il attendit que l’homme fasse quelque chose, qu’il s’en aille surtout. Il lui avait répondu voila tout et le sommeil le gagnait. N’ayant plus vraiment envie de continuer cette conversation il baissa les oreilles, cherchant à tomber dans les bras de Morphée.

Invité

Mulciber avait en partie répondu à Dust en gardant le silence sur sa cécité et en dirigeant ses oreilles comme d'autre le faisaient avec le regard. L'humain se sentit un peu honteux d'avoir froissé (du moins selon lui) le Néko en le résumant à son handicap. Personne n'apprécierait de n'être réduit de la sorte et Dust sentit bien son ereur et le fait qu'il devait avoir baissé dans l'estime de ce néko inconnu.

Mais ces craintes et spéculations basées sur rien étaient-elle fondées ? Rien de sur, car l'hybride ne bougea pas d'un iota dans sa cage, restant contre les barreaux et à portée de caresse, si tant est que Dust tende ses mains par delà les limites des barreaux.
Il répondit même à la dernière question de l'humain, lui donnant un nom aux consonances certainement pas asiatiques et assez étrange.

-Mulciber Lovecraft ? Comme l'écrivain H.P. Lovecraft ? C'est... un nom original je trouve.

Sans raisons Dust resta un moment immobile et silencieux, regardant juste le néko. Il se sentait attiré par lui, dans un sentiment étrange et difficile à définir, ni amour, ni amitié, ni envie... une sorte de mélancolie en fait qui le forçait à ne voir que lui, Mulciber. Un peu comme on est happé par le vide devant un précipice, Dust sentant sa solitude happée par celle de l'hybride.
Ou du moins en avait-il l'impression.

-Mulciber ? Je passe ma main à travers tes barreaux... pour... te caresser...

Il l'avait prévenu pour ne pas le surprendre et risquer de lui faire peur. Dust passa sa main entre les barreaux contre lesquelles se pressait le Néko et dirigea ses doigts vers les cheveux noirs de Mulciber.
S'énoncer avant d'agir laissait tout de même une impression étrange au jeune homme, un peu comme s'il était obligé de réfléchir sur des sentiments spontanés, comme ici la tendresse... prendre le temps de murir ses actes plutôt que de les laisser le guider, une façon de faire qui le déroutait un peu...

-...si tu ne veux pas que je te caresse dit-le moi juste... et heu... cela te plaisir de sortir d'ici ? Enfin cette question est idiote excuse-moi mais je voulais dire, de venir avec moi ? Cela te plairait ?

Et à moins que le Néko ne précise l'inverse, la main du jeune homme alla ponctuer sa demande en passant ses fins doigts entre les mèches de cheveux du Néko, lui caressant doucement la tête en un geste hésitant, puis plus sur, lissant à loisir les cheveux de l'hybride en attendant une hypothétique réponse de sa part.

Invité

Il sentait une torpeur ravageuse monter rapidement en lui et il ne pouvait froisser Orphée qui s’offrait à lui si charitablement en cette période de grand froid. D’ailleurs il ne sentait plus la peau de son bras gauche et il du bouger quelque peu, son crâne restant toujours enclavé entre les barreaux glacés. L’autre avait l’air pensif. Sa respiration s’était stabilisée, plus de franchise, moins de complexes. A l’instar de son cœur qui lui, ne s’était en aucun cas brusqué depuis son arrivée. En fait rien que d’y penser, cet homme était sans nul doute d’une platitude sans nom… Ses paroles prenaient l’apparence d’un truisme, aurait il un trou dans sa journée pour aller discuter avec un Neko aveugle ? Etait-il enclin à la dépression, ayant peur d’aller se confier à un psychothérapeute ? Il l’ignorait et n’en avait que faire. Cela pouvait paraitre comme fatuité de sa part, et c’était sans hésitations le cas. Mais personne ne venait fouiner dans ses pensées, le ciel nous en garde. Même Dieu qui semblait l’avoir quitté ne devait pas se mêler de son esprit comme il avait délaissé son corps. Il n’avait jamais vraiment cru en un dieu qu’il soit celui des Juifs, des Catholiques ou des Nekos. Pour beaucoup, les Nekos n’ont pas de religion, néanmoins beaucoup jugeaient également les Nekos inaptes à la réflexion et donc à la conception. L’homme pense, le singe imite, le Neko obéit. Il n’y avait pas de place pour philosopher, ni pour remettre le tout en question. La loi universelle ne pouvait pas être bafouée.

En fin de compte la conscience humaine voile les moindres progrès des Nekos, personne ne peut se dire en même temps qu’ils leur sont semblables tout en les gardant captifs. Des hommes arrivaient à se prétendre pour la cause des Nekos et contre l’enfermement de ceux-ci. Mais comme dit l’expression, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cela n’a fait que perturber le système, fixant de manière permanente les réfractaires à la soumission des Nekos. Quelle ironie.
Le vent soufflait par les vasistas fêlés et un mince filet translucide s’écoulait le long du mur. Mulciber entendait l’eau s’écouler mais n’y prenais plus gare. Le vendeur avait souvent parlé d’y remédier, en vain. La brise lui caressait toujours le visage lorsqu’il baissa les oreilles d’harassement. Ne laissant se mouvoir que sa queue touffue qui dépassait dans l’espace laissé libre par deux barres de fer, elle remuait doucement au rythme de sa respiration, balayant le temps invisible, imperturbable, imprenable. Il ménageait son souffle, cherchant à éviter la morsure interne de ses poumons par l’air glacial. Finalement l’autre se mit à parler d’une voix claire et douce, discutant plus avec lui-même qu’avec un réel interlocuteur. Stupéfait de la consonance étrangère du nom que le Neko lui avait annoncé. Il est vrai qu’il n’était pas natif de cette région. Sa cote venait-elle de monter encore ? Il s’en fichait éperdument. Qu’il soit pédigrée ou chat e gouttière, cela ne lui rendrait en rien sa vie d’antan. Ni sa vue… L’autre le compara à un écrivain ou quelque chose d’approchant. Il n’écoutait déjà plus, sombrant déjà dans les ténèbres. Si l’humain avait bien voulu se taire, peut-être aurait-il pu dormir tranquillement sans demander son reste. Malheureusement pour Morphée auquel Mulciber s’empressait continuellement aujourd’hui de poser un lapin, il ne garda pas le silence. Et même pire que ça.

Cherchant à ouvrir la boite de Pandore, le dénommé Abbachio Dust prévint qu’il souhaitait le toucher... Il ne demanda pas son avis, mais eut tout de même la politesse de l’informer. Il eut envie de qu’il s’éconduise, qu’il s’en aille, vite et loin. De quel droit croyait-il qu’il était un objet d’agréement ? Sa révolte intérieure ne dura pas cependant. Après tout il ne voulait, ni ne souhaitait rien. Cet homme lui caresserait les cheveux, rien de plus… Cet homme… Un homme lui caresser les cheveux ? Il fronça les sourcils, une habitude qu’il le suivait malgré la perte de la vue. Ce fut invisible pour l’homme en raison de la présence du bandeau.
D’ailleurs l’homme n’avait aucunement besoin de prévenir de l’arrivée de sa main vu son hésitation, Le Neko prédit aisément l’impact imminent des doigts contre son cuir chevelu. En fin de compte cela ne lui était pas désagréable… C’était même plaisant. Il n’irait pas jusqu'à ronronner, chose qu’il faisait rarement aux vues des désagréments physiques que cela impliquait, mais il passait un excellent moment… Cela le mettait en de bonnes conditions pour piquer du nez. Ce qu’il se permit de faire à demi, se focalisant uniquement sur le carré de peau stimulé. Finalement quelque chose lui fit reprendre ses esprits. Une pulsation un poil trop rapide, une retenue trop longue de la respiration… Il finit par parler, retrouvant le ton de voix pusillanime… Il lu demanda si… Non. Avait-il bien entendu ? Etait-ce une divagation de sa part ou avait-il bien demandé son avis concernant sa libération. Finalement, il releva la tête, s’accoudant d’un bras, contre le sol. Ses oreilles en avant, il se tenait en face de lui. Se pouvait-il qu’il le prenne ? Il ne comprit pas tout de suite, ne pipant mot. Il fit alors comme à son habitude, il haussa les épaules et se recoucha différemment. Il se tint les jambes en les rapprochant sur son torse à l’aide de ses bras, comme dorment certains enfants lorsqu’ils sont seuls ou lorsqu’ils ont froid. Il tournait le dos avec ostentation aux éventuels voyeurs, laissant simplement sa queue dépasser de la cage.

Et puis quoi encore…

Invité

Devant l’absence de réponse, Dust glissa donc sa main se perdre dans les mèches de cheveux du néko. La caresse glissa le long des cheveux soyeux jusqu’à mourir dans la nuque de Mulciber, faisant sourire Dust silencieusement. Aussi renfermé que voulait sembler sembler être l’hybride il n’arrivait pas à masquer le fait que la caresse lui plaisait autant qu’à celui qui la lui faisait.
L’humain appréciait de voir le néko trahir son apparente morosité par ses caresses dans ses cheveux, par contre la somnolence grandissante qui le prenait frustrait quelque peu Dust qui aurait apprécié le voir un peu plus vif à réagir à ses paroles. Mulciber donnait l’impression d’être imperméable à toutes les paroles de l’humain.

Que pouvait-il se passer dans la tête de cet amant cherchant à retrouver de toutes ses forces les bras de Morphée ? Dust étaient incapable de le deviner mais se doutait que la solution à tout ce vague à l’âme ne serait pas aussi banale que de faire quelques caresses et de se montrer doux et prévenant.

Et même avec son invitation à la faire sortir de sa cage, le jeune homme n’eu pour toute réponse qu’un vague haussement d’épaule presque entièrement désintéressé. Pas vraiment de quoi entretenir un enthousiasme trépidant concernant l’adoption de Mulciber.
Et pour conclure le tout voilà que le néko lui tournait le dos, prit d’une lassitude un peu insultante, aux yeux de Dust. Il n’allait tout de même pas laisser tomber maintenant ! Il allait secouer un peu les puces de sa passivité et le pousser à s’exprimer un peu plus…

-Je m’excuse de déranger encore ta sieste quelques moments mais j’aimerais une réaction un peu plus expressive de te part… Si tu ne veux pas répondre et continuer à vouloir juste dormir je repasserais demain te voir… Si tu m’attends ne serait-ce qu’un peu ça signifiera que moi et mon offre t’intéressons un tant soit peu et alors je t’adopterais.
Tu en pense quoi Mulciber ?

Et afin de ne pas laisser le Néko rejoindre trop vite Oniros, Dust passa sa main lisser quelques poils dans la queue du néko avant de la prendre entre ses doigts et de la caresses à son tour dans le sens des poils. Il ne se satisferait pas d’un nouveau mouvement d’épaule et comptait bien entendre une seconde fois la voix de Mulciber quitte à le tourmenter de caresses pour reculer son entrée dans le sommeil.
C'est que cette nonchalance inexplicable donnait de plus en plus envie à Dust de sortir cet hybride de sa condition, aveugle ou pas. Il était venus pour tromper sa solitude et était tombé sur plus seul que lui, Mulciber étant coupé du reste des gens par sa vue, qui provoquait son attitude qui le coupait encore plus des autres dans une spirale d'isolement dont il ne faisait plus l'effort de s'extirper.
L'humain ne pouvait pas partir en laissant cette réplique de son propre sentiment demeurer prostrée derrière les barreaux. En lui tendant une main secourable, en fait, il se sauvait un peu lui même...

Invité

Mulciber enlaça ses jambes langoureusement, les plaquant fort contre son torse, ses genoux lui rentraient dans la cage thoracique. Que n’entendait-il pas inlassablement sa propre respiration faisant frémir son corps, son souffle se brisant sans relâches sur les murs familiers et froids de sa prison. Cette prison qui n’était en fin de compte que sa couche, sa demeure. Même si certains pouvaient qualifier cet enfermement psychique et physique comme pernicieux, cela lui convenait parfaitement. Il ne pouvait se cogner ou se perdre ici, c’était son chez lui. Il ne la voyait pas comme une cage gardant captive la morosité, ni comme une façon manifeste de se garder coupé du monde. Non. Il était bien là, un point c’est tout. Et en allant encore plus loin, ce n’était pas un sentiment qui le guidait. « Bien ». Non, il ne se sentait pas bien, juste qu’il s’en accommodait simplement. Il ne tenait pas plus à cette couche qu’à une autre, elles se ressemblaient toutes. Un paillasse de paille sèche lui aurait fait autant d’effet qu’un lit de grand seigneur. Certains diront affaire de gout, d’autre d’abstinence, mais lui vous répondra simplement qu’il n’en avait que faire. Il ne tenait à rien ni personne.

En réalité, il n’existait plus que deux petits objets matériels auquel Mulciber accrochait encore de l’importance à ses « yeux ». Sa clochette, pendue à son cou, qui se mettait à tinter dès qu’il esquissait un mouvement. Un peu en corrélation avec les brebis, mais beaucoup moins sonore. Il n’avait jamais pu l’observer de ses propres yeux, mais l’avait déjà inspecté de part en part, la touchant souvent de ses doigts longs et fins. C’en était même devenu une obsession. Dès qu’il se sentait troublé de sa morosité habituelle, il la caressait un peu afin de retrouver ses esprits. Cela avait le mérite de le calmer plus que de l’enthousiasmer. Il se souvenait alors des rires de ses « frères et sœurs », les histoires de ses « parents », la voix du garagiste du coin… Tous ces détails qui faisaient remonter en lui, en dépit d’une once de gaité, une pointe de nostalgie. Et tout rentre dans l’ordre. Les regrets amènent au spleen qui lui-même vous transporte jusqu’à la mélancolie. Un état d’esprit plus que naturel depuis lors chez l’homme chat.

Le deuxième objet qu’il affectionnait n’était rien d’autre que son bandeau. Il cachait son handicap, sa difformité aux autres. C’était son seul moyen de lutte contre cette exclusion, certes instinctive mais cruelle. Il croyait que comme ils ne les voyaient pas, il ne pouvait les voir… Ingrats, scélérats, mesquins… Tout ces gens, toutes ces odeurs d’égoïstes…
Il attrapa anxieusement son grelot d’argent, le faisant rouler entre ses doigts. Ces… ce… Il se calma tout d’un coup, n’écoutant plus que le doux tintement rebondir contre les murs, donnant presque l’impression d’être en pleins récital dans une église. Avec un peu d’imagination et de bonnes oreilles, la musique emplissait le fond de la cage et il était même possible d’imaginer la scène dans son esprit. Il manquait les voix des chœurs, l’orgue peut-être, mais tout y était. Les cathédrales de lumière multicolores, les enfants de blanc vêtus, le prêtre au centre de l’estrade. Les visages avaient quelque chose de familier… Il fronça les sourcils. Il ne lui était plus vraiment possible d’imaginer pleinement des faces différentes, il lui fallait coller celles qu’il connaissait déjà, ne pouvant plus renouveler le stock d’images de son cerveau. Cela le mettait une fois de plus en peine et il chassa la vision de son esprit.

Le bruit retentissait encore, omniprésent, ne prenant pas gare aux oreilles, les traversant sans hésiter, ce son su aigue, si strident et si mélodieux à la fois.
Occupant ainsi un moment le silence, il fut contrait d’écouter encore une fois l’humain qui parlait dans son dos. Ne faisant qu’à demi-attention, ne souhaitant se focaliser de trop, il faisait toujours tourner entre deux doigts, la clochette d’argent. L’homme maniait sa langue aussi bien qu’une lame avec tant d’à propos qu’il lui fit même pivoter les oreilles en arrière, la tourmente quelque peut apaisée comme par enchantement.

Se pouvait-il qu’il revienne le lendemain comme il l’avait annoncé ou n’avait-il comme arme que le chantage ? C’était du chantage. Ou une manière de montrer qu’il avait raison… De toute façon il l’avait sans doute, il avait ce qu’il voulait, il l’aurait et il l’aura toujours alors pourquoi l’importuner lui. Mais il est vrai qu’il devait cacher un engagement secret pour insister ainsi. Il essayait de la piéger qui plus est. Il lui demandait son avis alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait nullement le choix dans cette affaire. Ingénieux. Mulciber s’abstint de répondre pour le moment, décidé à réfléchir un peu. Il lui fallait rompre si la rupture était inévitable. Serait-ce différent, ici ou ailleurs ? Et puis s’il servait à quelqu’un avant de mourir cela ne pouvait être que bien… De son point de vue rien ne changerait… Par un élan de bonté donc... Les caresses sur sa queue ne lui faisait pas vraiment d’effet, en ayant eut des centaines de ces câlineries stériles, dénuées de vrais sentiments… Il en fit soigneusement abstraction.
Il ne déplaça pas la tête de son emplacement mais dit posément :

« D’accord, prenez-moi. »

La voix légèrement métallisée par la réverbération, était comme un murmure mais parviendrait sans doute aux oreilles de l’homme présent dans son dos. Du moins il l’espérait car il n’avait nullement l’intention de se répéter.

Invité

Dust ne s'était pas vraiment attendu à un saut de joie de la part de Mulciber mais décidément il se sentait bien impuissant face à la passivité exemplaire du néko. À croire qu'il servait de référence photo pour le mot dans les dictionnaire illustrés.
L'humain avait espéré, en vain, créer un moins un peu d'exaspération dans l'humeur plate et égale de l'hybride mais s'était visiblement trompé en beauté. Enfin au moins il avait eu sa réponse explicite : Oui le prisonnier acceptait de quitter sa cage pour tenter une aventure à ses cotés, et même si il semblait passif à l'extrême ce choix n'était, pour Dust, pas anodin.

Un premiers pas hésitant et résigné vers... vers quoi ? Une ouverture aux autres ? Un futur moins morose ? Une mélancolie à deux savamment distillée entre regrets et lies affectifs basés sur des caresses faites du bout des doigts ?
Le jeune humain ne le savait pas... pas encore du moins mais déjà il se jurait de ne pas faire regretter ses trois mots au néko. "D'accord, prenez-moi" une simple réponse à une invitation qui marquait un départ complètement nouveaux tant pour Dust que Mulciber.

-Merci de te réponse, je fais ouvrir ta cage tout de suite.

L'humain avait parlé d'un ton décidé, sachant maintenant ce qu'il voulait depuis que Mulciber avait accédé à sa requête. Se retournant vers Robert, le vendeur au grand cœur, Dust demanda à ce dernier d'ouvrir la cage du Néko. Attendant que l'homme s'exécute, visiblement satisfait de voir son protégé trouver un maître si prêt de l'échéance de sa présence ici, le vendeur devait s'imaginer que cette vente réglerait le futur et l'humeur du néko, ce que Dust lui ne tenait pas pour acquis, doutant un peu d'avoir fait le bon choix sans parvenir une seule seconde à regretter ses actes.

Mais il restait encore à partir d'ici, et à rentrer à la maison au plus vite. Dust ne s'imaginant pas vraiment aller faire des courses avec son aveugle en charge sous un tel déluge de pluie et de plus Mulciber et lui partageaient à peu prêt les mêmes carrures fines et élancées. Dans un premier temps le Néko pourrait avoir ses habits à lui avant qu'il ne lui en fournisse des autres.

-Mulciber ? Tu pourrais juste te redresser que je t'aide à sortir si tu veux bien.

Passant une mains dans le dos du Néko pour le guider, Dust se préparait à donner ses yeux à Mulciber d'une certaine manière. Il serait sa canne d'aveugle, pour l'instant, son guide et celui dont l'hybride dépendrait pour tant de choses de la vie courante...
Un bras dans le dos du jeune homme à moitié félin, Dust se dirigea vers la caisse pour payer le prix de ses décision successives qui avaient abouties à cette situation ou des deux, celui ayant le plus besoin de l'autre n'était pas fatalement celui que l'on croyait au premier regard.

Invité

Il se demandait dès lors pourquoi avait-il accepté de partir avec cet homme. Quelle folie l’avait pris…
Le gentleman décida de couper court aux bavardages afin de mettre un peu d’action. Il partit quérir Robert, le vendeur au grand cœur. Il les entendait discuter de son sort, de sa sortie, du bonheur qu’il soit enfin adopté… Cela le laissait plus qu’indifférent à la limite de l’exaspération. Il les écoutait, toujours allongé en travers de sa geôle, ne daignant pas lever un seul sourcil pour le moment. Il avait même rentré sa queue à la maison, l’entortillant autour de ses cuisses. Un creux de la taille de son poing ulcérait son estomac. Une mauvaise impression, un doute le rongeait. Avait-il vraiment fait le bon choix ? Il ne se sentait plus du tout prêt pour recouvrir une vie sociale à nouveau. Il ne l’avait jamais été certes, même lorsqu’il qu’il avait accepté la proposition de l’humain. Mais tout était allé si vite… Un retour au côtoiement continuel d’humains lui paraissait presque inconcevable. Il est vrai qu’ici il en passait des dizaines chaque jour, mais ce n’était pas la même chose. Ils se trouvaient de l’autre côté, derrière des barreaux. Parfois un bras se tendait entre les interstices pour caresser le captif, néanmoins, rien de purement physique. Juste les odeurs accablantes trahissant la personnalité de chacun des visiteurs. Oui, c’était une particularité bien à Mulciber de déceler dès les premiers effluves un tempérament humain ou animal. Cet homme là, il avait directement senti son caractère calme, serein, réfléchi. Mais la simple odeur corporelle ne pouvait laisser entrevoir qu’une infime partie de l’esprit d’une personne, ne dévoilant pas celle tapis dans l’obscurité d’un être… Chacun était capable du meilleur en apparence et du pire en transparence. Il en avait vu des humains, même si ce n’était pas de ses propres yeux, qui venaient tranquillement acheter un Neko, tout bonhomme en surface, doux avec les chatons… Mais quelque chose clochait et par la suite, on apprit qu’il violait les jeunes Nekos, mâles et femelles, uniquement ceux n’ayant pas encore atteint la puberté.

Etrangement, cela ne le révoltait pas. Il était conscient de sa condition, qu’elle soit celle d’un Neko ou d’un aveugle, dans les deux cas cela l’amenait à devenir imperméable à ce genre d’horreurs. Il songea un instant à cet homme qui souhaitait tant l’avoir sous la patte. Peut-être que lui aussi faisait parti de cette trempe. Aimait-il les jeux obscènes ? Non mais à quoi pensait-il maintenant…
Possédait-il déjà des Nekos ? A voir comment il s’occupait de lui, l’inondant de caresse, il devait en avoir fréquenté. Bref beaucoup de questions mais peu de réponses, il préféra ne pas se torturer d’avantage l’esprit avec ces controverses et attendit patiemment l’ouverture de la porte. Elle ne se fit pas tarder accompagnée par un cliquetis métallique, un grincement singulier et une voix lui indiquant qu’il pouvait sortir.
Cet enchainement fit monter malgré lui en son sein une certaine fébrilité. Peut-être était-ce là la simple promesse d’un air plus frais, l’espoir d’une vie nouvelle, d’un cœur soigné… Il laissa alors de coté, non sans difficultés sa passivité naturelle pour se remuer un peu. D’un coup d‘épaule tout en contractant ses muscles abdominaux, il se retourna vers les deux hommes. Les fixant sans réellement les voir, il se tenait en position de prière, ses poings serrés posés contre le sol. A la frontière avec l’extérieur, où seul le bout de son nez dépassait, il attendait qu’on lui somme d’abandonner sa position afin de rentrer sur le champ de bataille. Finalement ce ne fut pas Robert le général retraité, mais son nouveau colonel, le prénommé Monsieur Dust qui le prévint qu’une aide lui serait apporté pour qu’il sorte de sa cage. Ce n’était pas sans l’irriter, comme tout handicapé auquel on propose une aide dont il estime ne pas avoir besoin. Une douce main vint alors se plaquer sur son dos. Il ne put s’empêcher de frissonner. Ses mains étaient fines, austères et tendres à la fois. Maigres peut-être, et blanche sans doute. Elles glissaient sur sa peau, appuyant un peu pour le faire descendre. Il mit un pied à terre puis l’autre, manquant de trébucher, la paume toujours collée à sa peau, épousant le moindre de ses mouvement, sécurisant sa marche malgré la réticence de Mulciber à se faire aider. Il se cala contre le bureau sentant des regards rivés sur lui.

La caisse enregistreuse vomissait le ticket certifiant son achat, il entendit le bruit d’un stylo grattant agilement sur le papier fraichement sorti de la machine. Une feuille qu’on détache d’un carnet de chèques. Il ne comprit pas vraiment ce qui se passait. Ca passait c’est tout. Sur le moment, on ne peut penser et agir correctement. Ensuite viennent les regrets et les « si je »… Robert les poussa dehors, les obligeant à s’en aller. Il avait les larmes aux yeux cela se sentait et bizarrement, un vide vient se caser au milieu de son estomac. Il l’aimait bien finalement ce vendeur, ce fut le seul depuis plus de quatre années qui avait présenté un signe d’intérêt sur sa personne. Alors qu’ils se dirigeaient vers la sortie, Mulciber leva sa main de quelques centimètres, écartant ses doigts délicats afin d’offrir un dernier geste d’adieu à l’homme se trouvant derrière lui.
Il espérait qu’il avait comprit.

Invité

Dust se fit doux en guidant Mulciber. Il parvenait à sentir une légère réticence de la part de son nouveau protégé et ne voulait donc pas être trop dirigiste et le faire se braquer immédiatement. C’est pour cette même raison qu’il se retint de tout de suite se porter à son aide quant il le sentit trébucher. Le Néko était aveugle, pas impotent et au ressentir de son humeur il aurait peut-être mal prit d’être surprotégé… Et au risque de perdre le peu de lien qui commençait à se tisser entre eux Dust préférait encore le voir tomber sans trop de mal.
On se relève toujours d’une chute physique, moins facilement d’une psychologique.

Enfin, c’est donc seulement par un contact léger et presque absent qu’il guida les pas de Mulciber jusqu’au comptoir. Il restait en effet toute la partie formelle qui faisait fit des sentiments, du ressentit ou de tout l'affectif qu'il y avait derrière un choix aussi important qu'une adoption. Non là derrière les numéros et les chiffres on était contraint de rabaisser le tout à un simple acte d'achat. Un comme si Mulciber n'avait été qu'une chemise ou un pantalon que Dust avait soudain eu l'envie de porter et d'enfiler (pardon pour le sous entendus j'ai craqué xD).
De l'autre coté du comptoir cependant Robert n'était pas là pour jouer au froid marchant sans coeur que pensait deviner l'acheteur? au contraire la brave homme se mit rapidement à féliciter le couple (???) Maître/néko et à se dire heureux pour Mulciber. Ces remarques étonnèrent et touchèrent le jeune homme. Finissant le passage monétaire de sa nouvelle relation avec l'hybride qui se tenait à ses cotés, il remercia le gros homme à la figure bonhomme et se fit pousser dehors en compagnie du Néko. Visiblement Robert tenait à couper court son adieu avant de pleurer...

Pleurer pour un néko... pleurer pour son départ avec une tierce personne... voilà qui n'était pas commun et à mettre à la charge de la sympathie qu'éprouvais Dust pour le vieil homme.

Finalement arrivé à la porte, il prit son parapluie et salua Robert, pour la dernière fois. Il remarqua également le premier geste social de Mulciber, qui saluait son ancien propriétaire et vendeur.

-Il semblait tenir beaucoup à toi ce vendeur... tu le connaissais depuis longtemps ?

Attendant une réponse, ou un autre silence à ajouter à ceux dont mulciber était déjà le bienheureux créateur, Dust ouvrit son parapluie et posa doucement sa main sur les reins de l'hybride, l'invitant à avancer dans les rues délavées. tout comme dans la boutique il ne faisait de poser le bout de ses doigts contre le corps du néko, et de suggérer les directions sans réellement le pousser d'un coté ou de l'autre.

-Désolé de devoir te faire marcher sous cette pluie, mais bon... on rentre directement chez moi pour le moment, on ressortira t'acheter des affaires plus tard, tu... as déjà des idées de ce qui te ferait plaisir ?

Invité

Le geste qui se voulait discret fut finalement perçu par son nouveau maitre. Il le sut lorsqu’il le fit sursauter en demandant si Robert tenait une place dans son cœur. Pourquoi un humain qu’il n’avait côtoyé que depuis quelques mois serait devenu « important à ses yeux »… C’est une plaisanterie ? Il n’y avait plus rien d’important à ses yeux, enfin, plus personne en tout cas. Rien ne lui importait désormais, il n’avait pas compris cela ? C’est sûr il n’avait pas attendu de sa part d’être compréhensif, il ne connaissait pas sa vie antérieure… Ce n’est pas qu’il était devenu misanthrope cependant cette question et ce regard posé sur lui l’agaçait au plus haut point. L’agacer ? Il se rendit compte de ce sentiment qu’il éprouvait contre son maitre et cela l’étonna. En vérité, il n’avait que très peu manifesté ses opinions, il se refusait cela. Même s’il s’était plus ou moins adapté à cette vie de ténèbres sempiternelles, il se considérait toujours comme l’écorce d’un fruit que l’on a rejetée. Une coquille vide, sans substance. Enfin, c’est ce qu’il tentait de démontrer au monde et à s’en persuader.

D’un autre coté, cette question l’attristait terriblement et lui faisait pitié. Car il devait véritablement passer pour un cas associable, croire que cet homme pouvait bien être son ami… Et puis pourquoi avait-il fait ce signe d’ailleurs ? Il se mordit les lèvres, se promettant intérieurement qu’il ne s’abaisserait plus à commettre un tel acte qu’on lui reprochera directement. Il détourna le visage et répondit de mauvaise grâce à son maitre :

« Non pas vraiment… »

Il avait prononcé ces mots les dents serrés, d’un ton détaché et honteux. Et puis après tout ce n’était qu’un commercial comme un autre, il avait fait une affaire et puis c’était tout, rien de plus. Il ne s’était pas réellement attaché à lui. Il chassa alors tout remords de son esprit et se focalisa sur le présent.
Un bruit sec et un frottement de tissu indiqua qu’il ouvrait son parapluie. Pourtant il sentait qu’il ne pleuvait plus autant qu’avant. A vrai dire, il ne pleuvait plus du tout, juste tombait les quelques gouttes en surplus sur les toits. Le maitre n’avait sans doute pas remarqué cela à cause de la vitre teinté, de l’achat du Neko… Mais surtout de sa perception amoindrie par la complète fonctionnalité de ses yeux. Il tentait de sécuriser son avancée par deux doigts posés sur ses reins, mais lui-même n’avait pas conscience du temps qu’il faisait.
Avant qu’ils ne sortent, le maitre lui avoua qu’ils devaient rentrer tout de suite pour éviter la pluie. Qu’elle ironie, elle s’était calmée… Il lui dit par la suite qu’il lui achètera des affaires. Et lui demanda enfin ce qu’il voulait. Mulciber ne savait pas, il se fichait de ce qu’il portait, il ne pouvait se contempler dans un miroir, ni même se sentir beau vu qu’il ne verrait jamais aucune des réactions des autres. Il n’avait pas vraiment gout pour ce genre de choses mais si son maitre se sentait gêné par ce qu’il portait, il lui fallait choisir lui-même ses vêtements. Il lui répondit donc sur le même ton indifférent :

« Rien ne me fera plaisir, vous choisirez pour moi. »

Enfin la porte s’ouvrit. Lorsqu’ils sortirent de la fourrière le soleil avait reprit le dessus baignant la ville de ses rayons, faisant fuir les nuages qui s’empressaient de lui laisser la place. Pour tous les habitants de la ville, c’était enfin l’heure de sortir le bout de son nez, et chacun reprirent leurs occupations qu’ils avaient projetées de faire avant l’arrivée soudaine de l’averse. Les pigeons venaient tremper là dans les gouttières, leurs pattes roses et leurs ailes blanches. Des chiens couraient ensemble dans la rue, prenant soin de ne pas percuter les passants et d’éviter les flaques d’eau.
La lumière omniprésente, il l’avait sentit. Il ne la percevait pas avec ses yeux, mais sa peau toute entière lui servait de capteurs. Il sentait cette vraie chaleur, elle lui montait à la tête, ou était-ce tout simplement le fait de se tenir debout, le dos bien droit pour la première fois depuis des lustres. La veine de sa tempe cognait assez fort pour que d’ordinaire il l’entende néanmoins au vu de son état d’ahurissement, il n’y prêtait guère attention. Les sons s’entremêlaient, c’était différent lorsque l’on se trouvait à l’intérieur car la vitre assourdissait le tout pour le bien être des Nekos. Il pouvait se repaitre en air, en bruit, en odeurs, bref en liberté. Les odeurs tranquilles de la rue nettoyée de toute insanité flattaient sa narine. Un vague parfum de béton et de chien mouillés, de quelques hommes et de quelques femmes qui avait risqués une sortie, du pollen qui avait reprit sa course folle afin de trouver un partenaire et enfin des plumes de quelques oiseaux du coin. Rien de bien agressif pour lui. Pour la première fois depuis son arrivée en cage, il pouvait respirer presque librement, sans avoir les immondes refoulements de renfermé, de sueur, de sperme ou même d’urine. Mulciber portait des chaussures simples et fines. Avec cela, il sentait toutes les invaginations et les disgrâces de la chaussée. C’était le gérant qui les lui avait offertes, ayant vu qu’il se trimbalait nu pied depuis quelques mois.

Il trainait quelque peu la patte mais son maitre n’avait pas l’air de le presser davantage. Les flaques d’eau étaient inévitables et le jeune Neko trempait parfois accidentellement la pointe de ses chaussures dedans. Le liquide s’infiltrait et venait lui chatouiller la plante du pied. Au bout de quelques minutes, il avait cependant les doigts de pieds trempés, les chaussures n’étant pas très hermétiques. Etrangement, Mulciber se sentait de mieux en mieux en s’éloignant de sa cage, il respirait de plus en plus facilement, marchait d’un pas de plus en plus assuré, allègre et trouvait même par moment l’énergie de se tenir droit, ce qu’il n’avait pu faire depuis sa captivité. Il avait presque l’air d’un humain normal et non pas d’un esclave hybride aveugle. Ce qu’il ressentait le plus comme une libération c’était sa distance avec le monde insalubre du confinement et du croupissement des chats. Il appartenait à l’homme plus qu’à l’animal dorénavant. La concentration olfactive et psychique qui l’avait oppressé pendant plus de cinq ans comme un orage qui menace, Mulciber s’en rendait compte maintenant qu’il commençait à y échapper pour de bon. Il avait toujours pensé que le monde lui en avait voulu, qu’il l’avait obligé à courber l’échine, à se recroqueviller dans sa cage. Mais ce n’était pas le monde, c’étaient les hommes. Le monde lui ne faisait que supporter ces êtres et pouvait même présenter des endroits fantastiques, privés de ces immondes bâtards. Il est vrai qu’il avait perdu son aptitude à voir, son gout pour la vie, mais c’était bien la faute des hommes tout ça. Mais pas de tous les hommes. Certains ne se conformaient pas à la masse grouillante et se manifestaient par une bonté exceptionnelle, une compréhension plus lucide du monde, ou alors par un isolement réfléchis.
Malgré toute cette liberté nouvelle, une gêne lui restait, l’empêchant de savourer pleinement le moment. Mais il devait se rendre à l’évidence, cette aventure paraissait bien plus palpitante qu’il ne l’avait imaginé.

Ce fut une belle journée.